Le démontage des installations à l’abandon est l’un des chantiers prioritaires de la feuille de route environnementale de 16 éco-engagements dévoilés en novembre 2020 par la chambre professionnelle des remontées mécaniques, pour préserver la montagne grâce à des mesures concrètes en matière d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre, de gestion de l’eau, de protection de la biodiversité et de préservation des paysages. Domaines Skiables de France s’était engagé à réaliser un premier démontage dès cet été 2021, pour atteindre en 2023, un objectif de trois installations démontées chaque année.
Le démontage de ce téléski, long de 300 mètres et de ses 5 pylônes, était voulu par la commune de St-Jean-de-Sixt (Haute Savoie), propriétaire de l’installation, et a été rendu possible grâce à Domaines Skiables de France et à l’implication bénévole des trois sociétés de remontées mécaniques du massif des Aravis : la Société d’aménagement touristique d’exploitation de La Clusaz (SATELC), Labellemontagne Manigod et la SAEM Remontées Mécaniques Le Grand Bornand, en collaboration avec l’Association amicale des anciens des remontées mécaniques (AMITEL). Les trois sociétés de remontées mécaniques ont mobilisé leurs équipes et les moyens techniques nécessaires. Ils ont intégralement pris à leur charge le coût financier de ce démontage. La société POMA a mis à disposition un équipement d’oxycoupage pour faciliter le travail des équipes de terrain. La société Excoffier Recyclage a fourni gracieusement 2 bennes de 9m3 pour l’évacuation des déchets métalliques.
Une fois le dépôt du permis de démolir et les autorisations nécessaires validés, les équipes des trois sociétés de remontées mécaniques, ont démarré la démolition pour évacuer le câble, les perches, le bloc béton du contrepoids, les poulies et les pylônes. Le site est ainsi rendu à d’autres usages : pâturage, camping et espace naturel.
L’histoire du développement du tourisme du ski dans les Aravis comme dans le reste de la région de Thônes a commencé dans les années 1900. Au fil des ans, des habitants du massif ont construit souvent en initiative privée un ou deux téléskis dans leur village, à l’époque où le ski s’est ouvert au plus grand nombre. Il s’agissait de participer à l’essor du village et à celui du tourisme hivernal naissant. Mais ces initiatives n’ont pas toujours rencontré leur public, et malgré un changement de site, le téléski du Crêt construit en 1963 a toujours peiné à trouver une rentabilité. Aujourd’hui, le téléski du Crêt est démonté et le site rendu à la nature sans aucun impact sur l’emploi local puisque Saint Jean de Sixt, bien que dotée d’un téléski, n’est pas devenue une « station de ski ». Mais il faut garder en mémoire l’important rôle social, sportif et associatif qu’il a joué durant 50 ans. À une époque où la mobilité et le tourisme n’étaient pas ceux d’aujourd’hui, il a enchanté et occupé des générations de petits Saint-Jeandins les mercredis et les dimanches, ainsi que des vacanciers, qui ont ainsi appris à skier.
Alex Maulin, président de DSF : « Des dizaines de remontées mécaniques sont construites, déplacées ou démontées chaque année dans le cadre de l’amélioration continue des domaines skiables en France. Progrès de la technique oblige, on propose davantage de débit avec moins d’appareils. Cette opération particulière de démontage est exemplaire dans le sens où, pour la première fois, des professionnels de l’aménagement apportent conjointement et bénévolement leur concours pour rendre à la nature et à la pâture un site où le ski s’était arrêté. Saint-Jean-de-Sixt ressemble à la plupart des villages où le ski s’est retiré sans s’être vraiment développé : c’est un charmant village, typique des Aravis. Tout sauf une station fantôme ! Nous ne voulions pas laisser cette remontée mécanique qui n’y avait plus sa place. »
Les professionnels des remontées mécaniques ont ainsi commencé l’élimination des remontées mécaniques à l’abandon, et continueront de le faire conformément à leurs engagements.
Le dispositif mis en place par DSF a pour objectif l’élimination des remontées mécaniques à l’abandon sur les sites où il n’y a plus de sociétés en activité en charge du domaine skiable. C’est l’un des 16 éco-engagements pris à l’unanimité par les domaines skiables français il y a tout juste 1 an.
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L’histoire du téléski du Crêt
En 1962, monsieur Perrard demande au conseil municipal la possibilité d’installer un téléski « Sous le Mont Durand » (Longueur 300 m –dénivelé : 80 m)
En 1963, conscient que cet équipement peut contribuer à l’essor du village, la commune donne son autorisation d’exploitation d’un téléski, de marque Montaz-Mautino ; les mercredis et dimanches les enfants du village se donnent à cœur joie et gratuitement au plaisir nouveau du ski alpin.
En 1965, le propriétaire informe la commune de son souhait de vendre ce téléski. Le Conseil Municipal décide de ne pas l’exploiter en direct, mais encourage son rachat par la promesse de subventionnement de 20 % de son coût, en échange de la gratuité d’accès pour les écoliers. Un appel est lancé auprès des habitants pour la constitution d’une société d’équipement qui achèterait et gérerait cette installation.
Dès 1966, une SET (Société d’Equipement Touristique) est en voie de constitution, grâce à la mise en place de souscriptions dont le montant est fixé à 1 000 F (10 actions de 100 F). L’année suivante, une quinzaine de personnes réussissent à rassembler un capital de 20 000 F tandis que le prix de vente du téléski remis à neuf se monte à 42 500 F. Ainsi nait la SET en 1968. Celle-ci fixe notamment les prix des tickets : en 1970, il en coûte 0.80 F par montée au téléski, et 7.50 F pour skier toute la journée.
La vie et le visage de notre village changent tandis que les premiers hivernants découvrent les joies des sports d’hiver en pleine ascension. Ainsi trois hébergements touristiques accueillant principalement des familles et des groupes sont construits en 1971 dans la commune au Crêt de St-Jean : le VVF, les Elfes, le CCAS. C’est à cet endroit si exceptionnellement bien situé qu’était positionné le chef-lieu jusqu’en 1870. Ce sera aussi là que se vivront les prémices encourageantes d’un tourisme hivernal naissant, tandis que le téléski du Mont Durand est déplacé sur un terrain communal plus vaste, et situé à proximité de ces structures d’accueil. L’installation du téléski rebaptisé « téléski du Crêt 2000 » par les gamins de Saint Jean est complétée par celle d’un fil neige qui est cédé à la SET par le village de vacances.
En 1974, la SET emploie 3 personnes durant l’hiver, fait l’acquisition d’une chenillette et d’un rouleau et décide une augmentation du capital de 50 000 F, passant de 40 à 90 000 F. Mais le spectre de la rentabilité plane sur cette société et les difficultés financières s’ajoutent aux difficultés « tout court : renforcement de la règlementation, essoufflement des bénévoles, et déjà à cette époque-là : empreinte du changement climatique. La SET saisit la commune d’une demande de prise en charge, qui pourrait se faire sous la forme de création d’une SEM (Société d’Economie Mixte), qui est finalement abandonnée en raison de la lourdeur et du coût de cette formule.
C’est alors que resurgit cette même année le dossier de la liaison entre La Clusaz et Le Grand-Bornand par le Danay. Tout le monde y croit encore ? Un peu moins… puisqu’on peut lire sur le bulletin communal : « le nouvel équipement du massif du Danay qui a déjà fait couler beaucoup d’encre semble cette fois ci en bonne voie… en espérant que cette fois ci la montagne n’accouchera pas d’une souris ».
En 1983, avec la volonté de poursuivre l’exploitation des remontées mécaniques du Crêt, le conseil municipal propose à la SET le rachat pur et simple de ses installations pour un prix ce 128 000 F, donc leur exploitation directe sous forme de régie municipale. Le changement du fil neige trop vétuste et mal adapté aux exigences des clients est décidé deux ans plus tard.
1987/1988/1989.La neige fait cruellement défaut …Les saisons sont de plus en plus capricieuses et les hivers de plus en plus cléments. Dix ans plus tard, on lit toujours sur le bulletin communal « Encore un hiver où le soleil s’est trompé de saison, qui fait fondre la neige dès la 2ème semaine des vacances de février ». Qu’à cela ne tienne : La même équipe de choc, continue d’œuvrer fidèlement pour la Régie Municipale des Remontées Mécaniques du Crêt : Jean-Claude et Jean-Luc au téléski depuis 1984 et Richard et Mariethé au fil neige.
L’hiver 2009 est particulièrement mouvementé : la dameuse tombe en panne le 20 décembre et n’est réparée que le 28 janvier ! Alors on damne avec les moyens du bord : skis, raquettes et pelles. En janvier 2010, un article paru sur le Dauphiné Libéré célèbre « la station familiale de Sain-Jean-de-Sixt, aux portes des grandes » et la recommande pour ses conditions idéales d’apprentissage du ski et le prix avantageux de son forfait : 4 € la demi-journée. Des animations sont organisées régulièrement par l’office de tourisme et le ski-club, transformant ce stade de neige en « garden-party » public : jeux, sculpture sur glace, initiation biathlon, prêt de matériel et ski nocturne en 2015.
A partir de 2016, à la suite de plusieurs hivers très compliqués dans la gestion de la régie municipale, et devant la menace écrasante du manque de neige et du réchauffement climatique, l’équipe municipale en place se pose régulièrement des questions sur la pérennité de ces installations : « quel avenir pour les remontées mécaniques du Crêt », « faut-il ou non arrêter le ski alpin » ? Elle trouve une partie de la réponse en réduisant l’amplitude d’ouverture des installations en 2016, avec 3 jours/7 d’exploitation en janvier. Puis, compte tenu du nombre très faible de passages au téléski, de sa capacité de fonctionnement aléatoire et fragilisée à 100 % par le manque de neige, de l’obsolescence de cet équipement, de son inadéquation à l’offre ski débutants sur lequel il est implanté, mais surtout à cause de son coût d’entretien et de fonctionnement de plus en plus lourd, le téléski du Crêt est décrété « fermé » définitivement à partir de l’hiver 2017/2018.
C’est en septembre 2020 que le Conseil Municipal vote favorablement pour le maintien du fil neige au Crêt et le démontage du « grand téléski ».
Ceux qui ont emprunté une fois le « grand téléski » ne peuvent pas l’oublier : « c’est la double peine : d’abord faut être fort pour arriver en haut sans lâcher la perche, et en plus tu ne t’éclates même pas dans la descente ! Mais par contre, c’est la seule façon de savoir si tu es prêt à partir skier en station ».
Le téléski du Crêt a enchanté et occupé des générations de petits Saint-Jeandins, qui se donnent rendez-vous le dimanche après-midi « au pied du télé » (avec ou sans skis d’ailleurs), pour construire des sauts avec la pelle à Jean-Luc, faire des courses tout droit dans la pente, ou flirter skis au pied dans le petit bois à côté du transformateur….
Yvette FAVRE-LORRAINE